5. Les deux forces en présence


Dans le film, deux mondes sont clairement antinomiques.
Au niveau culturel : l'un est basé sur le vivant et la conscience de faire partie d'un Tout, ce sont les Na'vis ; l'autre est basé sur l'artificiel, l'individualisme et l'illusion de la toute puissance, ce sont les humains.
Au niveau génétique : les indigènes sont deux fois plus grands que les humains et parfaitement intégrés à leur milieu ; les humains, eux, sont incapables de survivre sur cette planète sans un appareillage adapté.

5.1. Le monde imaginaire sur Pandora : l'incarnation du YIN

Toute planète reçoit avant tout lumière et chaleur d'un soleil autour duquel elle gravite, et seul un juste éloignement permettra à une atmosphère d'y abriter la vie. Sur Terre, nous n'avons que la Lune pour contrebalancer les influences de notre soleil.

Dans notre psychologie humaine apparaît une dualité : masculin/féminin, Père/Mère, Jour/Nuit, rationalisme/émotionnel, intellect/ ressenti, Yang/Yin.

Très tôt, les anciens ont associé le soleil au Père et la Lune à la Mère. La présence de la Lune, l'astre de la nuit, est une composante essentielle pour la structure psychique des humains.

5.1.1. Polyphème où l'influence de la Mère
Le diamètre de notre soleil est 109 fois celui de la Terre, mais sa masse correspond à des milliers de fois celle de notre planète. Le disque lunaire, tel que nous le voyons dans le ciel, est de surface quasi identique au soleil. Cela est simplement dû à l'éloignement : le soleil se situe à 150 millions de kms de la Terre, tandis que la lune n'est qu'à 380 000 kms en moyenne. Aussi quand survient une éclipse, le disque lunaire cache-t-il complètement et pendant de courtes minutes, le disque solaire..., nous sommes alors dans le noir ! Cependant le diamètre de la lune est beaucoup plus petit que la Terre et sa masse est six fois moins importante. Les influences de la lune, associée à la Mère, sont donc très inférieures à celles du soleil et de son rayonnement, bien que la lune apparaisse subjectivement de même proportion dans le ciel.
L'auteur décrit la planète Pandora de taille légèrement inférieure à la Terre (0,8x). Comme ici, cette planète tourne sur elle-même, il y a des jours et des nuits d'une durée assez comparable. Toutes les planètes gravitent autour d'un soleil mais ce qui est notoirement différent dans ce système stellaire, c'est que Pandora est un satellite d'une planète géante Polyphème, de la taille de Saturne et qui, comme elle, tourne autour de son soleil.
Dans le système imaginé par l'auteur, la géante gazeuse Polyphème, qui serait donc associée à la Mère, doit avoir des influences notables sur le développement de la vie sur Pandora, sur la croissance des animaux et des plantes, le métabolisme des êtres et également sur le psychisme des autochtones. Que la planète Pandora soit en orbite autour d'un tel corps céleste et que cet astre soit des centaines de fois plus gros que la lune, a certainement quelque chose à voir avec la dimension des animaux et des plantes et aussi avec le développement psychique des êtres pensants. Notamment, il est normal que les valeurs associées à la Mère se soient développées bien davantage que pour les humains sur Terre qui ne bénéficient eux que d'une petite Lune minuscule et d'un rayonnement solaire des millions de fois plus conséquent !

5.1.2. La nature sur Pandora

5.1.2.1. La relation à la terre Mère

L'auteur met en évidence une nature luxuriante que les humains ne savent pas écouter, regarder ni apprécier – hors-mis bien sûr l'irremplaçable docteur Grace Augustine ! Il nous livre un enseignement sur les valeurs essentielles du chamanisme traditionnel : C'est le côté associé à la terre-Mère qui est ainsi valorisé.
La perception des énergies émanant du monde végétal et animal de Pandora semble évidente pour les êtres nés sur cette planète, ce qui n’est pas le cas pour l’humain qui émerge dans cet univers. On peut supposer que cela s’explique par les influences cosmo-telluriques de la planète géante, permettant à toutes ses créatures, animales et végétales, d’être nourries des mêmes vibrations originelles. L’auteur invente même un dispositif d'interconnexion entre les indigènes, les arbres et les animaux. C'est une chevelure tressée qui se termine par un réseau de fibres nerveuses grâce auxquelles les humanoïdes peuvent investir le cerveau de l'animal pour le diriger ! On peut bien sûr y voir la métaphore du cordon ombilical, qui ainsi prolongé, renforce l’idée que toute cette nature évolue dans une énergie Mère de laquelle elle ne s’est jamais coupée
A travers l'initiation que reçoit le héros Jake Sully dans la jungle, c’est bien à une description et à un enseignement de ce que sont les croyances et traditions des peuples indigènes vivant sur Terre que se livre l’auteur : la relation à la nature, le monde des esprits, etc... En nous décrivant Pandora, il accentue toutes les caractéristiques permettant de donner une expression visible au monde invisible perçu dans les traditions chamaniques.

5.1.2.2. L'énergie bioluminescente
Dans la sphère imaginaire de Pandora, l'auteur amplifie la présence des énergies subtiles qui émane des animaux et des plantes. A tel point que ce monde biologique produit de la lumière. Ici, la lumière émane des êtres vivants ; la nuit sous leur pas, du sol émanent des taches de lumière. Cette nature recèle un côté véritablement magique.

Sur Terre, l'effet kirlian, permet de mettre en évidence l'aura d'énergie subtile, invisible à l'œil nu, qui émane de tout corps vivant. Ainsi, on découvre que l'environnement est baigné de cette énergie de vie dont les occidentaux (pour la grande majorité), coupés de leurs liens à la terre-Mère, et donc de leur ressenti instinctif, n'ont aucune notion ni expérience.
L'auteur s'est inspiré d'un phénomène de bio luminescence observé chez les poissons et créatures vivants dans les grandes profondeurs sous-marines, là où les rayons du soleil ne pénètrent jamais.
De cette bio luminescence, il fait un développement très intéressant : sur Pandora, tout être et tout organisme vivant, y compris l'eau, surtout l'eau vive des torrents et des cours d'eau, dégagent ce que les traditions orientales nomment le chi ! Et sous une forme clairement visible...
Cette énergie de vie illumine notamment le paysage nocturne d'une féérie de couleurs et de scintillements !

5.1.2.3. Les montagnes flottantes
A bord d'un hélicoptère, nos héros découvrent les montagnes flottantes et le vortex des flux.
Ici, pour renforcer l'idée de la prépondérance des énergies subtiles face aux lois de la matière, la matière dense ne pèse rien et les rochers sont en lévitation. On appelle cet endroit la chaîne des Hallelujah, les légendaires montagnes flottantes de Pandora. L'explication scientifique qui nous est donnée, concerne la présence d'Unobtanium en grande quantité dans la roche. La gravité zéro est une représentation qu'affectionnent les auteurs de science-fiction (la montagne flottante apparaît pour la première fois dans l'œuvre du peintre surréaliste René Magritte).
Dans ce vortex où les flux d'énergie se concentrent, les systèmes de détection et d'orientation des hélicoptères s'affolent, l'électronique de bord ne fonctionne plus !
L'endroit est tellement chargé en énergie que les indigènes y ont élu leur domicile le plus sacré : l'arbre des âmes. C'est dans ce sanctuaire que se déroulera la bataille ultime dont l'issue sera fatale aux « non initiés ».

5.1.2.4. Eywa la déesse mère et l'arbre des âmes
Eywa est la totalité du savoir incarné en une déesse. Peut être l'équivalent de notre père créateur du ciel et de la Terre. Une forme d'intelligence naturelle gouverne et organise ce monde si particulier. En voici différents aspects.
La planète recèle de nombreuses plantes plus étonnantes les unes que les autres, et parfois énormes. Les Na'vis du clan Omaticaya habitent dans un arbre sacré immense : Kelutral, dont la cime atteint 325 mètres, et le tronc 57 mètres de diamètre. Les Na'vis vivent en symbiose avec leur planète où tous les végétaux semblent connectés comme dans notre réseau neuronal. D'après Grace, chaque arbre compte en moyenne 10⁴ connexions sachant qu'il y a environ 10¹² arbres. Les graines de l'arbre sacré disposent «d'une âme pure» et sont des signes à interpréter pour les Na'vis. Jake sera surpris par l'intelligence des plantes qui se rétractent au moindre contact ou des champignons qui s'illuminent au toucher par bioluminescence.
Les graines de l'arbre sacré. Au premier instant de leur rencontre dans la jungle, Neytiri s'apprête à tirer sur l'avatar Jake. Légère comme la plume, la graine de l'arbre sacré effleure la flèche de Neytiri bandant son arc. Elle suspend son geste, comprenant le signe qu'Eywa lui envoie. Plus tard, alors qu'elle doute à nouveau, ces esprits très purs enveloppent le corps de Jake Sully. Cela constitue pour elle une révélation et Mo'at, sa mère chamane saura interpréter les signes.
Le pouvoir d’Eywa. Lors de la fuite en hélicoptère, Grace est grièvement blessée par le colonel. Le premier acte posé par Jake devenu Toruk Macto, sera d'implorer l'aide d’Eywa pour la guérison de Grace. Mo'at essaie de la soigner au cours d'une cérémonie au pied de l'arbre sacré, mais son corps était trop faible. Avant de s'éteindre, Grace prononcera ces quelques mots : « Elle existe ». Il semble néanmoins que la conscience de Grace et son bagage de connaissances se soient transféré dans la mémoire collective d’Eywa, dont les Omaticayas puisent toute leur force.
Grace Augustine mourante est amenée au pied de l'arbre sacré. Mo'at anime la cérémonie pour que l'énergie sacrée soigne ses blessures. Des radicelles sortant du sol se développent autour de sa nuque pour faire le lien entre Eywa et l'avatar de Grace. Grace contacte pour la première fois, dans son corps et sa chair, une réalité qu'elle n'avait jamais ressentie ..., juste avant de rendre son dernier souffle.
Mo'at : Notre grande mère peut décider de sauvegarder tout ce qu'elle est..., dans ce corps.
Jake : C'est possible ?
Mo'at : Elle doit d'abord passer sous le regard de Eywa et revenir mais, Jake Sully, elle est très faible !
Jake : Courage Grace, ils vont vous soigner.
Grace : Je l'ai ressenti (…) elle existe...
Ce seront les derniers mots de Grace !
Jake : Grace... Grace..., qu'est ce qui se passe ? Ca a réussi ?
Mo'at : Ses blessures étaient trop grandes, il n'était plus temps, elle est avec Eywa !
C'est ainsi que s'arrête sa mission de vie.


5.2. Le monde humain du futur : l'incarnation du YANG
En 2154, l'auteur nous parle d'un monde humain qui a détruit les équilibres naturels la planète et se trouve à bout de ressources. Il reprend ainsi les études d'impact environnemental qui placent les Etats-Unis comme les plus gros consommateurs et pollueurs de la planète. Selon ces estimations, il faudrait en effet 5 à 6 planètes équivalentes à la Terre pour répondre à nos besoins, si en proportion, nous consommions tous autant que les américains !



5.2.1. La technologie humaine

5.2.1.1. Les machines de guerre
La technologie est toute puissante dans ce monde du futur et les premières images du film sont à la gloire de ses réalisations : vaisseau spatial interplanétaire, cryogénisation, imagerie médicale en 3D, robots à forme humaine, machines d'extraction minière et matériel surdimensionnés...
L'auteur nous décrit une technologie qui a énormément progressé en 150 ans. Désormais, l'homme est capable de voyage interstellaire. Il maîtrise le principe de congélation pour la survie (après 5 ans 9 mois et 22 jours, ils arrivent sur Pandora), l'imagerie médicale en trois dimensions et la manipulation génétique. Les machines qui travaillent dans cette mine à ciel ouvert, sont démesurément grosses... De même pour les bulldozers qui taillent des routes dans la forêt. Mais les camions-bennes pourraient ressembler à ceux qui sont actuellement en service sur Terre ; idem pour les hélicoptères à double rotors qui sont assez voisins de ce que notre industrie pourrait aujourd'hui concevoir.
Malgré ce gain de puissance, l'auteur les a voulus assez vulnérables pour être abattus par des volatiles préhistoriques et des jets de flèches ! Il en va de même pour les appareils plus lourds qui finiront tous par tomber au sol.
Les AMP sont des exosquelettes, robots à forme humaine et pilotés par un seul homme. Chère aux amateurs de science-fiction, cette reconstitution virtuelle est au demeurant une intéressante prouesse technique ! Les mécanismes des bras et des jambes reproduisent fidèlement les mouvements du pilote qui prend place au centre de l'engin. Ici l'auteur montre que l'humain a voulu, grâce à sa technologie, imiter la nature pour mieux la dominer car ne nous y trompons pas, les AMP sont des machines de guerre, les chars d'assaut du futur !
Si perfectionnée soit-elle, cette technologie du 22ème siècle n'en est pas moins mise à mal par des tribus indigènes qualifiées d'un autre temps, mais qui ont conservé intact leur relation aux forces de la nature et leurs convictions dans leur lien aux ancêtres encore présents. Ainsi la science et la technologie censées faire de l'homme un dieu tout-puissant, ne pourront pourtant sortir vainqueur d'une confrontation avec un peuple que d'aucun qualifierait de « primitif », mais qui choisit l’alliance des forces naturelles, l'énergie mère dans toute son ampleur.


5.2.1.2. Quand l'homme se prend pour Dieu...

L'auteur nous parle d'une science qui touche désormais à tout ce qui était autrefois considéré comme le domaine du Sacré, dans les philosophies, croyances et traditions du monde entier. En premier lieu et grâce aux progrès des biotechnologies et de la génétique, la science est devenue apte à recréer un être vivant mi-homme/mi humanoïde, à partir de l'ADN humain mélangé à de l'ADN Na'vi. Et pour occuper ce corps inerte, la technologie semble à même de maîtriser quelque chose de tout à fait fondamental : « transvaser » la conscience d'un être humain pour l'incarner dans le cerveau d'un autre corps, prenant ainsi le contrôle de toutes ses sensations pour le piloter.
Enfin, avec la cryogénisation, les progrès permettent de conserver un corps à basse température (dans le film : 5 ans, 9 mois et 22 jours) le temps d'un vol interplanétaire, par exemple et de le ramener à la vie, le ressusciter en quelque sorte après cette période de mort sous contrôle.

5.2.2. Le pouvoir de l'argent.
Toujours d'actualité dans cette société du futur : l'argent et le profit.
Et pêle-mêle voici comment démarre cette vision du futur...
Le frère jumeau de Jack a été tué d'une balle pour quelques billets.
Jake se voit proposer cette mission car beaucoup d'argent a été investi dans l'avatar qui lui est génétiquement semblable et ne peut fonctionner qu'avec un frère jumeau. On lui propose : « un bon salaire, un très bon salaire à la clé » !
Jake paraplégique : Dans cette société là, « une moelle épinière, ça se répare mais pas avec une pension d'ancien combattant ». Et le colonel promet de nouvelles jambes à Jake en échange de ses loyaux services !
Parker, le chef de mission nous montre un échantillon du précieux minerai : l'Unobtanium qui vaut 20 millions le kilo et sous l'arbre mère des Omaticayas, un immense gisement : « regardez-moi ce tas d'oseille » !
Dans ce scénario, il est clair que toute l'expédition sur cette planète est mue par un seul moteur : l'argent et le profit. Même la mission d'étude scientifique semble être subordonnée à cette donne. C'est cet argent qui va financer les travaux du Dr Grace Augustine. A l'image des grands laboratoires d'aujourd'hui, la recherche du futur est décrite tributaire du pouvoir financier et de sa logique de rentabilité ! La conquête spatiale est assujettie à cette règle.
Le responsable de la société minière, Parker Selfridge qui est aussi le directeur de la base, n'échappe pas à la caricature d'un homme instrumentalisé par le pouvoir de l'argent et sans aucun état d'âme au service de cette cause !

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