7.1. Une
dimension collective – une dimension individuelle
Dialogue entre Grace Augustine
et Parker Selfridge :
Grace
Augustine : Ces arbres sont sacrés pour les
Omaticayas, pour des raisons que vous ne pouvez même pas imaginer.
Parker
: Vous savez quoi ? De toute façon ici, si
vous lancez un bâton en l'air ou quoi que ce soit, vous êtes sûr
et certain qu'il va atterrir sur un..., un buisson sacré.
Grace
: Je ne suis pas en train de vous parler de
simples pratiques vaudous. Je suis en train de vous parler d'un
phénomène visible et mesurable qui est lié à la biologie de cette
forêt.
Parker
: Alors, expliquez-moi ça !
Grace
: D'après nos observations, il y aurait une
espèce de transmission de type électrochimique permettant aux
arbres de communiquer entre eux. Ca agirait comme les synapses entre
les neurones et chaque arbre a 10 puissance 4 connexions avec les
arbres voisins et on sait qu'il y a environ 10 puissance 12 arbres
sur Pandora...
Parker
: Ce qui est énorme, j'imagine.
Grace
: C'est plus de connexions que dans le cerveau
humain. Vous vous rendez compte, c'est comme un réseau, un réseau
d'une dimension phénoménale auquel les Na'vis ont accès et grâce
auxquelles ils peuvent échanger des données, de la mémoire dans
des lieux tels que celui que vous venez de détruire.
Parker
: Eh ben, ça alors, j'ai l'impression que
vous n'avez pas fumé que la moquette, là-haut !... Tout ça pour
quelques arbres à la con !
Grace
: Il serait temps de vous réveiller Parker.
Parker
: Non, c'est vous qui êtes dans les vapes !
Grace
: La richesse de ce monde est tout autour de
nous et pas uniquement sous nos pieds. Les Na'vis le savent et ils
sont prêts à se battre et à le défendre. Si vous voulez partager
ce monde avec eux, il faut que vous appreniez à les comprendre.
Ce
dialogue illustre deux conceptions du monde qui ne peuvent se
rejoindre :
- l'une de rentabilité : pour atteindre ses objectifs, Selfridge s'apprête à lancer les bulldozers pour détruire la forêt et exploiter le minerai.
- l'autre humaniste : Grace, consciente de la richesse de l'écosystème de Pandora, redoute l'affrontement.
Sur
le plan collectif :
On peut faire le parallèle entre les Omaticayas et les indigènes de
la forêt tropicale qui voient leur territoire ravagé par
l'exploitation de ses richesses naturelles. Ainsi, après un siècle
et demi d'expansion industrielle, l'auteur nous montre ce qu'il
pourrait arriver si nous poursuivons un tel comportement à l'égard
de la nature et des populations minoritaires.
Sur
le plan individuel :
Avatar parle de notre
monde contemporain mais les situations mises en scène doivent
également interpeller chacun d'entre nous. A travers chaque
personnage du film, il est possible de retrouver une part de
nous-mêmes. Par exemple : notre nature combative (le colonel),
notre pouvoir égocentrique, le besoin de posséder, de maîtriser
(le directeur de la base), notre esprit de découverte (le professeur
Grace Augustine), la soif de justice et d'aventure (Jake Sully) mais
aussi notre nature sensible et plus intériorisée (représentée par
les habitants de Pandora), la part de nous qui « sait »
et le respect de notre intégrité (quand Trudy renonce à combattre
aux côtés du colonel, par exemple).
7.2. Conception
occidentale et tradition chamanique
Tout
en véhiculant un message de première importance, cette
superproduction hollywoodienne est avant tout un pur produit de la
culture américaine. Les Américains ont ceci de particulier, c'est
qu'ils transposent leurs idéaux dans un autre espace et un autre
temps. Vivre et se suffire de l'instant présent..., ils ne
connaissent pas !... Pour eux, le monde parfait est une société du
futur à construire et la raison de l'homme se situe, non pas dans le
moment présent mais pour nourrir d'autres ambitions.., avec cette
croyance ultime : la science et les technologies permettront un jour
de transcender toutes les limites terrestres de l'humain, avec le
risque de se prendre pour Dieu !
Dans
Avatar, l'auteur très au fait de cette problématique, transpose
cette réalité dans le cosmos et un temps futur où l'humanité en
déclin, redécouvre un autre monde où les valeurs liées à la
terre-Mère et aux traditions ancestrales sont valorisées.
Les
Américains sont des gens très pragmatiques qui veulent créer la
société parfaite dans laquelle toute imperfection de la nature
serait bannie et tous les manques de l'humain seraient comblés.
Cette idée ne date pas d'hier. Pour eux, l'environnement naturel est
un monde hostile qu'il faut transformer pour que l'être humain y
prenne place. Et le progrès est là pour répondre à tous nos
désirs ! C'est une conception de l'existence qui a des conséquences
très fâcheuses sur l'équilibre planétaire et la survie des
espèces, car il en faut toujours plus pour combler son malaise
existentiel.
Les
traditions ancestrales et chamaniques s'appuient sur une conception
diamétralement opposée : elles conservent l'idée première
que le monde créé est parfait..., c'est à l'homme de s'adapter à
cet environnement où tout lui est donné. Cette attitude qui
perdure, repose sur un sentiment d'acceptation des lois et principes
naturels. On pourrait dire la voie de la sagesse. Son empreinte
écologique est très faible.
Nous
touchons là deux conceptions que tout oppose ! L'une, celle du
« progrès », veut que notre civilisation industrielle
soit l'aboutissement en tout. Et peut importe les conséquences !
Les animateurs de ce progrès sont en réalité des êtres coupés
d'eux-mêmes, c'est-à-dire de leur reliance aux origines. L'autre,
celle des traditions chamaniques, voit et ressent l'énergie qui est
à la source de toute vie et développement sur Terre. Bien
évidemment, il faut se sentir « appelé » par ce monde
pour l'apprécier ! Et cette réalité semble bien difficile à
admettre pour les occidentaux dont l'éducation est basée
essentiellement sur le développement intellectuel, l'individualisme
et la valorisation de l'ego.
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